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Balades à moto et réflexions sur la route
15 janvier 2008

Le Crash (4) - Réflexions sur le concept de responsabilité

Ne voyez pas dans ces propos un coup de gueule, mais plutôt une réflexion devant le traitement des accidents en France aujourd'hui, alors que l'on cherche à rétablir les bases du civisme dans notre société. Simplement quelques incohérences à mon sens, et quelques aberrations dans le traitement des accidents de la route.

Coupable
: Qui a commis quelques faute, quelque crime

Responsable: Qui doit répondre de ses propres actions ou de celles des autres, qui doit être garant de quelque chose

Voilà pour les bases, mais appliquer la distinction est bien moins évident qu'énoncer ces deux définitions.

Aujourd'hui, la sécurité routière en France semble peiner à faire assimiler cet état de fait aux usagers de la route. Plus de 80% des conducteurs se disent plus que compétents. Et pourtant, le nombre d'accident, certes en diminution, est toujours très élevé.

La première cause d'accident selon les usagers interrogés par la sécurité routière? Les autres, tout simplement. Leur manque de maîtrise du véhicule, leur incapacité à supporter l'alcool et à maîtriser ses effets, leur inconscience... Bref, les autres et leurs défauts.

A croire que le conducteur français est dans 80% des cas un super pilote, qui maîtrise son objet avec une dextérité à faire pâlir les pilotes professionnels...

Pour s'en convaincre, il suffit de regarder autour de soi quand on prend le volant. Entre ceux qui vous collent au train pendant des kilomètres, et ceux qui essorent la poignée de gaz pour vous déposer à plus de 150 km/h, tout le monde semble avoir suffisamment de confiance en soi pour se permettre un comportement aberrant.

Etrangement, il existe une dichotomie entre le discours tenu et le comportement. En effet, se comporter de cette façon revient à reconnaitre que l'autre saura "réagir" lorsque vous vous retrouverez en promiscuité avec lui, alors même que dans votre esprit, vous le condamnez pour ne pas savoir maîtriser son véhicule. Etrange contradiction entre les termes et les faits.

Et lorsque l'accident survient, on en rejette toujours la faute sur l'autre, en oubliant par là qu'avant la collision, c'est tout un ensemble de facteurs qui se sont conjugués pour rendre celle-ci inévitable.

Pour prendre l'exemple de mon accident, au regard du code de la route, le conducteur de la voiture est seul coupable des faits: il s'est engagé dans l'intersection sans contrôler si un véhicule arrivait de sa droite, me refusant une priorité et, pire encore, franchissant au passage la ligne blanche de séparation des voies de circulation. Mais les "responsabilités" de l'accident ne s'arrêtent pas là. L'infrastructure aussi est en cause: la signalisation n'est peut-être pas assez claire à cet endroit, et la mise en place d'un muret de séparation en lieu et place de cette ligne continue au sol aurait permis d'empêcher la voiture de s'engager dans ma voie de circulation. Moi aussi, j'ai une part de responsabilité dans l'accident. Non pas par défaut de maîtrise de la moto. Une voiture qui surgit à 30 mètres sous votre nez, quand il n'existe aucun échappatoire pour se faufiler devant ou derrière elle et éviter la collision, je ne vois aucun moyen d'éviter le choc quand vous arrivez à 70 km/h. Même avec les meilleurs réflexes du monde, entre le temps de réaction et le freinage effectif, le choc est inévitable. Bien heureux déjà d'en être sorti vivant et d'avoir pu limiter les dégâts.

Ma responsabilité à moi, il faut remonter avant l'accident pour l'établir. En partant du bureau, j'ai décidé de prendre la RN113 pour rentrer à la maison, au lieu de prendre l'A55 ou de passer par le Rove, comme je le fais le plus souvent. A cause du mistral, j'ai pensé que ces deux routes risquaient de s'avérer dangereuses, alors j'ai choisi un trajet un peu plus long, mais où les effets du vent seraient moins dangereux et celui-ci mieux orienté.

Mais on peut encore remonter à une dizaine d'heure avant, lorsque j'ai quitté la maison le matin pour me rendre au bureau. J'avais hésité à  prendre la voiture pour me rendre au bureau, ce qui aurait été plus sûr. Seulement voilà, j'ai estimé que la moto serait plus agréable.

C'est là que réside ma part de responsabilité.

Aujourd'hui, quand je lis sur des forums des appels à l'aide d'automobilistes qui ont été pris pour grand excès de vitesse et cherchent un moyen de conserver leur permis de conduire à tout prix, ou les témoignages de personnes qui, par leur comportement, ont provoqué un accident, je suis effaré de constater à quel point on se dé-responsabilise. C'est toujours de la faute des autres... La faute au radar, parce que la police devrait avoir mieux à faire que contrôler la vitesse des véhicules; la faute au motard qui a déboulé à 110 en plein virage, prenant le point de corde, alors que soi-même on est arrivé un peu fort et qu'on s'est déporté le long de la ligne blanche par excès d'optimisme; la faute à l'abruti qui s'est fichu en l'air en essayant de dépasser votre Scénic HDI alors qu'il ne maitrisait pas les 50 CV de sa Saxo; la faute au piéton qui s'est engagé au feu alors que vous arriviez, certes un peu vite, mais s'il ne s'était pas engagé vous ne l'auriez jamais percuté.

La faute des autres, qui n'ont pas su réagir à votre présence et à votre conduite...

Ce qu'on oublie à chaque fois, c'est que les autres ne font  que "réagir". Or, cette réaction est obligatoirement le résultat d'une action, votre action, mon action. Celle qui a conduit aux circonstances de l'accident. Et cette action est la seule que l'on puisse maîtriser. On ne peut jamais être sûr à 100% de la façon dont l'autre va réagir, juste présumer de ce que l'on ferait à sa place. Mais on n'y est pas à la place de l'autre, on ne sait pas ce qu'il a pu estimer de la situation, s'il a bien assimilé tous les facteurs environnementaux ou non.

L'être humain est ainsi fait qu'il est faillible, et fragile qui plus est. Malgré la plus grande expérience qui soit, tout le monde peut commettre une erreur, qui conduira peut-être à un drame. Un chien qui traverse la route, une rafale de vent qui déporte un cycliste ou un motard, Un marquage au sol tardif et à demi-effacé sur la chaussée en pleine nuit, des gravillons ou une plaque de verglas en sortie de courbe... On ne maîtrise jamais à 100% son environnement...

Et cela conduit parfois à des collisions plus ou moins graves, des vies brisées ou mises entre parenthèses le temps du rétablissement. Tout ça par manque de civisme à mon sens. Car le civisme, c'est pourtant simple à comprendre: c'est d'assumer ses devoirs pour pouvoir se prévaloir de ses droits. Le devoir d'un usager de la route ne se limite pas à une simple observation des règles du code de la route. Il va bien au-delà. Le permis de conduire, c'est une autorisation d'emprunter le réseau routier en cohabitation avec les autres usagers. Par là, il s'agit d'une responsabilité très lourde: celle d'assurer sa propre sécurité et celle des autres. Il ne s'agit pas d'un brevet sanctionnant une capacité à maîtriser son véhicule en toutes circonstances.

Alors quand j'entends dire qu'un petit verre ne fera pas de mal tant qu'on reste en-dessous de la limite légale autorisée, qu'un petit pétard ça détend avant de prendre le volant, que de toute façon, on maîtrise suffisamment pour se sortir de toutes les situations potentiellement dangereuses, ça me met hors de moi.

Et quand je vois avec quelle facilité on admet que la violence routière est "acceptable", par une reconnaissance tacite des facteurs qui la font exister, je n'en reviens pas de la bêtise des pouvoirs publics.

L'éducation pourrait sans doute être améliorée, mais la répression pourrait aussi être plus efficace.

Combien de personnes isolées se retrouve plongées dans une situation précaire, incapables de se déplacer à la suite d'un accident, avec les tâches quotidiennes à assurer et les tracas administratifs qui s'accumulent sur elles, quand le coupable s'en est tiré sans une égratignure et continue à conduire parce que la justice attend le rétablissement ou la consolidation de la victime pour sanctionner la faute? Combien de vies à reconstruire parce que les séquelles de l'accident empêcheront d'exercer une activité professionnelle? Et la sanction se borne à un dédommagement pécunier, parfois assorti d'une suspension ou annulation de permis de conduire, voire d'une peine de prison.  Pour le coupable, ce sera parfois longtemps après l'accident que le prix à payer sera établi. Pour la victime, la sanction est iimmédiate, alors que sa faute ne sera parfois que d'avoir utilisé son véhicule pour se déplacer.

Le coupable, lui s'en tire bien dans les premiers temps, n'assumera pas les tracas subis par la victime à cause de son erreur. Et quand il aura constaté qu'il n'est sanctionné que par une suspension de permis de conduire et qu'il peut s'en sortir en faisant un chèque, la sanction lui paraitra parfois acceptable. Et il recommencera, car il s'en sera sorti à bon compte. Pour la victime, le prix à payer sera peut-être à vie, alors qu'elle n'est pas coupable.

Pour prendre conscience des tracas que peut occasionner un accident immédiatement après qu'il se soit produit, le coupable, une fois sa culpabilité avérée, devrait être contraint à assister une victime d'un accident similaire au sien, pendant un temps équivalent à celui pendant lequel sa victime aura à affronter les affres de l'accident. Démarches administratives, visites à l'hôpital pour suivi de son évolution, tâches ménagères, courses alimentaires... Autant de choses que la victime ne pourra pas assurer comme avant en raison des effets de l'accident. Et affronter ces problèmes en même temps que la victime d'un accident permettrait peut-être de faire prendre conscience des conséquences réelles et immédiates de l'accident.

Aujourd'hui, c'est toujours à la victime de payer, de ne pas savoir de quoi demain sera fait, de ne pas savoir quelles seront les conséquences et les séquelles de l'accident, ni combien de temps il aura à les subir, alors que le coupable continue à vivre comme avant tant que son cas n'a pas été jugé. Alors lui imposer ces contraintes, en attendant la sanction définitive du tribunal, semble un tribut certes parfois lourd à payer, mais plus juste que la situation dans laquelle les victimes se trouvent seules plongées... Des travaux d'intérêt particulier au bénéfice de la victime, qui se trouverait ainsi épaulée pour affronter les conséquences de l'accident dans l'attente d'un jugement des professionnels de santé pour sanctionner les conséquences de l'accident sur la victime, mais aussi d'un jugement du tribunal vis-à-vis de la personne qui s'est rendue coupable de l'accident.

Voilà, c'est à peu près tout pour l'instant... Vision utopique d'un retour aux responsabilités, et d'une reconnaissance due aux victimes...

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